Je rencontrai la petite Damnea la veille de ses quatre ans. C’était une magnifique fillette aux boucles brunes, avec de grands yeux de biche et un sourire éclatant. Elle était plus petite et plus maigre que la moyenne, mais cela ne venait que s’ajouter à l’envie de protéger cette enfant. Ce furent ses parents qui l’amenèrent à mon cabinet, ce matin là, et ce fut sans peine que je compris que le cas White ne serait pas clos avant plusieurs mois, voire plusieurs années. Nous avions pris un rendez vous de deux heures, une heure avec les parents, et l’autre heure, seule avec la petite. Et la première ne se déroula pas sans dégât, malheureusement. Mr. White semblait être venu ici de force et refusa de m’adresser la parole, il se contentait de jeter des regards meurtriers à son épouse et à sa fille. Au fil de la conversation je notais plusieurs choses importante : le couple n’était pas stable, aussi bien financièrement que psychologiquement. Emma semblait avoir du mal à supporter sa condition de mère au foyer, et James se révéla n’être qu’un macho parmi tant d’autre, égocentrique par-dessus tout. Lorsqu’enfin, le rendez vous parental s’acheva, je ne fus que trop heureuse de me retrouver en tête à tête avec le petit ange. Comme je m’en étais doutée, la petite n’était pas plus bavarde que son géniteur, et j’eu du mal à lui soutirer quelques mots. Elle m’apprit cependant son père et sa mère ne dormaient plus dans la même chambre, que parfois, elle ne mangeait pas à sa faim et qu’elle était obligée de dormir avec son père, puisqu’Emma prenait le lit de la fillette. Si, par habitude, je sais que les petits ont tendance à enjoliver les choses, je sus très vite que Damnea ne mentait pas. Sans plus attendre, je reprenais rendez vous avec la famille White la semaine suivante. Cette fois là, James ne vint pas, ce qui me permit de discuter avec Emma dans un cadre plus calme et serein. A bout de nerf, la pauvre femme pleura toute la séance, m’avouant sans détour que Damnea n’était pas l’enfant biologique de James. En effet, Damnea était tombée enceinte de son patron, qui l’avait congédié lorsqu’elle le lui avait dit. James était au courant, évidemment. A ce moment là, je compris un peu mieux la réaction du paternel avec l’enfant, mais ne pardonnai pas ses fautes : on ne maltraite pas quelqu’un sous prétexte qu’il n’a pas le même sang que vous.

Les années passèrent, et Damnea arriva vite à sa septième année. Plus jolie que jamais, la petite fille avait gagné en assurance et ses yeux d’or terrassaient tous ceux qui osaient la dévisager un peu trop. Elle était restée la même, le sourire en moins. Au fil du temps, je l’avais vu s’éteindre pour ne jamais plus réapparaître. Lorsque nous parlions, elle me donnait l’impression d’être d’un autre monde, d’une autre époque. A mes yeux comme aux siens, elle n’était pas à sa place dans cette ère. Elle-même me le disait. Mais ce qui me préoccupait le plus, c’était son sombre caractère. J’avais découvert sans mal, que la petite aimait faire le mal autour d’elle. Très tôt, elle s’amuser à écraser les insectes et animaux du voisinage, elle mordait ses poupées et s’en prenait à quiconque la dérangerait. Seuls sa mère et son chat étaient épargnés de la petite Terreur. Son père, quant à lui, menait une guerre sans merci à la gamine, et elle le lui rendait bien. Ils se battaient, au début pour rire, mais cela finissait souvent à Ste Mangouste, et à plusieurs reprises, James m’avoua s’être fait mordre par la petite, elle-même couverte de diverses plaies. Inquiète, je prévenais les services sociaux magiques qui retirèrent la petite à ses parents. Je continuais de les voir séparément. Damnea était encore plus terrible dans sa famille d’accueil que chez ses parents. Elle faisait souffrir sciemment les autres enfants et n’affichait aucune éducation. Elle fut changée de famille maintes fois, jusqu’à ce que ses parents, ayant suivit une thérapie, furent décrétés aptes à la garde de l’enfant, alors âgée de 9 ans. Mais tout ne fut pas rose dans le meilleur des mondes. Emma tomba gravement malade, et décéda l’année même. Damnea se retrouva seule avec son père qui sombra dans l’alcool. Aucune preuve physique ne prouva que la petite fût maltraitée. Pendant nos séances, elle restait silencieuse, ne daignait même pas me regarder, un air supérieur ancré sur ses traits d’ange. La situation stagna deux ans : elle ne parlait pas, n’était pas battue.

Jusqu’au jour où elle vint d’elle-même à mon cabinet, alors que nous n’avions pas rendez vous. Je me souviendrais éternellement de ce jour là, c’était en décembre, peu avant noël. Elle était totalement affolée, elle pleurait, criait, totalement désespérée. Je mis un moment à lui faire dire ce qui n’allait pas : son père ne se réveillait plus. J’appelai les autorités qui se rendirent sur place et diagnostiquèrent une overdose. Une fois encore, la petite fut placée en famille d’accueil. Plus insupportable que jamais, elle était cependant plus bavarde lors de nos séances, comme si un poids s’était ôté de ses épaules. Elle m’avoua que son père l’avait maintes fois violée et que, pire encore, elle avait aimé cela. Dès lors, je compris que ce que j’avais pris pour une fillette en difficulté, était en réalité une enfant sadique et monstrueuse. Le numéro de son dossier n’avait pas été là par hasard, cette gamine était le Diable en personne. Ma théorie fut d’ailleurs prouvée la veille de sa rentrée à Aspera. Damnea n’était pas peu fière d’y entrer et nous avions un ultime rendez vous avant qu’elle ne s’en aille. Elle m’avait réservé une petite surprise…