Je m'appelle Satine Isabella Blackligh ; mais n'essayez pas de m'appeler Bella ou par un autre surnom ridicule. Je ne suporte pas ça. J'ai 17 ans étant née un 19 janvier. Je fais partie de ceux que l'on appelle Feys. Et je suis une elfe. Je possède le don de main verte et je dois dire que cela me plait assez. J'ai toujours aimé et admiré la nature et pouvoir faire certaines choses avec m'amuse énormément. Enfin je dois dire que ce pouvoir n'est pas assez. Non je ne suis pas satisfaite ; je ne suis jamais satisfaite.

ce que nous voulons savoir ;

Cachés derrière des lunettes rectangulaires, les yeux du directeur me dévisagent sans aucune retenue. Cela a la fâcheuse tendance de m’agacer, je déteste que l'on me regarde de cette façon. Je supporte peu de choses en fait, mais ce que je supporte encore moins c'est son sourire malicieux. J'ai l'impression qu'il se moque de moi. C'était après des minutes qui m'ont semblées interminables qu'il prend enfin la parole.

« Donc, Mlle… »

Il ne termine pas sa phrase. Ah, oui, bien sûr, avec tous les élèves qu'il a dur voir passer, encore et encore, il a oublié mon nom. Pourtant j'ai un nom que l'on oublie pas généralement. Je réponds d'un ton neutre en essayant de ne pas paraître trop orgueilleuse mais c'est une tâche qui s'avère assez difficile.

« Satine Isabella Blackligh monsieur. »

Il hoche la tête, comme s’il s’en rappelait désormais, alors que je me doute qu'il avait complètement oublié. Quel comédien ! Et il se met à me sourire de manière complice.

« Vous avez donc 17 ans, désormais, et vous rentrez en 3ème année. Dites-moi, pourquoi pensez-vous que vous avez votre place à Bichedor ? »

Je fronce les sourcils, un peu surprise par la question. Je ne m’étais pas trop demandé cela, respectant la décision du Psychoice mais l'approuvant tout à fait. C'était cette maison que je voulais à tout pris et maintenant j'y étais. Que demander de plus ? J'avais l'habitude de toujours obtenir ce que je voulais. Je savais déjà ce que j'allais répondre et un sourire malicieux s'étirant sur mes lèvres je me suis lancée.

« Pourquoi cette question monsieur ? Vous savez que je suis faites pour cette maison. Je suis cette maison. Je n'aurais pu aller autre part, celle-là me convient parfaitement et vous le savez. Déjà avant ma répartition je savais que c'était là que j'allais atterrir. Je suis belle et je le sais. Et tout comme les bichedors je sais user de mes charmes. Je suis quelqu'un de totalement imprévisible, j'adore jouer et je pense que c'est une des principales caractéristiques des bichedors. Et je fais partie de ces filles desquelles il faut se méfier, à vrai dire j'adore manipuler les gens et je peux être très étonnante. Alors si ça ne n'est pas Bichedor je me demande bien ce que c'est. »

Il sourit à nouveau, et je me demande pourquoi il le fait. Nous ne sommes pas amis après tout, il n'a pas à se sentir obligé de me sourire ainsi. De plus j'ai la désagréable impression qu'il me sourit d'un air pervers. Je dois avoir des hallucinations ce n'est pas possible autrement. Je n'ai même pas le temps de réfléchir quelques secondes de plus qu'il enchaîne déjà avec une autre question. Non mais qu'est-ce que je fous là moi ? J'en ai vraiment rien à faire de toutes ces questions. Dire que je pourrais être en train de faire quelque chose de beaucoup plus intéressant. Du genre m'amuser avec n'importe qui, avec n'importe quoi. Charmer les beaux nouveaux. Et puis en rendre fous certains.

« Si vous deviez m’en dire un peu plus sur vous… par quoi commenceriez-vous ? Je ne sais pas, moi, quel genre d’élève êtes-vous, quel ami ou quel ennemi êtes-vous ? »

Je le regarde, intriguée, me demandant pourquoi il a besoin d’en savoir autant. J'aime bien parler de moi mais je suis pas sûre d'avoir envie de parler avec lui. Je ne vois pas pourquoi je devrais. Je n'ai pas confiance. De tout façon qu'est-ce que ça change qu'il en sache plus sur moi ? Rien. J'hésite quelques secondes. Une partie de moi a envie de répondre mais l'autre voudrait faire un sourire malicieux au directeur avant de s'en aller par la porte. Finalement j'opte pour la première solution.

« Tout d'abord je dirais que je ne suis pas quelqu'un très fréquentable. Enfin je ne suis pas fiable, je pourrais très bien être tout à fait adorable un jour et le lendemain vous mettre un couteau dans le dos alors je dois vous dire de vous méfier de moi. Je dirai aussi que je suis quelqu'un de très intelligent, rusée j'adore user de mes charmes et manipuler ceux qui m'entourent. Je suis très séductrice, trop même. Et les plaisirs charnels font partie de moi. Ils bercent ma vie de tous les jours. Je suis quelqu'un de très divertissant, j'aime m'amuser, j'aime jouer, j'aime beaucoup de choses en fait. Je suis aussi une fan inconditionnelle d'Oscar Wilde et Baudelaire. Je n'ai pas peur des autres, je n'ai pas peur de l'inconnu, je peux même dire que j'adore ça. Beaucoup de gens trouvent que je suis trop extravertie et l'on m'a déjà fait plusieurs fois la remarque que les gens plus discrets n'arrivaient pas à se faire une place à cause de moi. Selon eux je prends trop de place et je n'en laisse à personne. Je suis une parfaite comédienne et j'arrive à tromper tout le monde, sans exception. Je suis têtue et ambitieuse, je n'abandonne jamais, je déteste perdre, je déteste que l'on me résiste et que l'on me tienne tête. Vous savez je suis quelqu'un qui aime le pouvoir plus que tout et qui ne se contente jamais de ce qu'elle a. Je suis une éternelle insatisfaite. Il m'en faut toujours plus. Et il me faut tout tout de suite. Autant dire que je peux être très désagréable pour certaines personnes. »

Je pense en avoir dit assez, le vieillard n’a pas besoin d’en savoir plus : Il en sait déjà trop à mon goût. Je n'ai pas l'habitude de parler de moi de cette façon mais je dois avouer que cela n'était pas désagréable. Et de plus je pense avoir fait une assez bonne description de ma personne. Peut-être trop bonne ...? Aussi je décide de me taire, en observant ses réactions. Il se contente d’hocher calmement la tête, un sourire énigmatique aux lèvres, griffonne quelque chose sur une feuille et relève ses yeux vers moi. Pourquoi a-t-il écrit quelque chose ? Ou plutôt qu'a-t-il écrit ? Je veux savoir. Je déteste ne pas savoir.

« Étiez-vous heureuse avant de venir ici, à Aspera ? »

Surpries, je ne sais pas trop quoi répondre, sur le coup. Je regarde ailleurs et réfléchis, pour me plonger dans mes souvenirs, me posant sincèrement la question. Je n'y avais encore jamais pensé. Je ne m'étais encore jamais posé la question et à vrai dire j'en ignorais totalement la réponse. Étais-je heureuse avant ? Avant tout ça ? Je ne sais même pas si je suis heureuse maintenant. Le bonheur est pour moi quelque chose d'indéfinissable. Le bonheur est différent pour chacun. Je ne sais même pas ce qui fait mon bonheur. Le pouvoir bien sûr. Les folies aussi peut-être. Mais est-ce que c'est cela que l'on appelle bonheur ? Je pense que ce n'est qu'un bonheur qui ne dure pas. Quelques souvenirs me reviennent de quand je n'étais encore qu'une enfant. Je me souviens de la fille capricieuse que j'étais et que je suis toujours. J'aurais tout fait pour que mes parents s'intéressent un peu à moi, pour qu'il passe du temps avec moi et ma soeur, mais non même quand ils étaient à la maison ils n'étaient pas là pour nous. J'étais aussi peste que maintenant à la différence que maintenant c'est encore pire. Je me souviens du bonheur qui m'a envahi quand j'ai compris qui j'étais, pourquoi j'étais différente. J'avais toujours su que je n'étais pas comme les autres, que j'étais meilleure, je me sentais supérieure. Pourtant je n'avais rien de plus jusqu'à ce que je le découvre si ce n'est la beauté, le charme et l'intelligence. Je me suis aussi souvenue d'un moment d'un moment où j'avais ressenti du bonheur très intensément. Pourtant c'était un moment assez banal. Le premier baiser. Je devais avoir 13 ans et dès que nos lèvres se sont croisées je suis tombée amoureuse. L'amour. Un sentiment que je n'ai connu qu'étant plus jeune. Maintenant je fuis ce sentiment. Je me rappelle qu'embrasser un homme m'avait plus fortement dès la première fois. Et plus le temps passe plus cette passion pour le baiser s'intensifie, plus le désir augmente. Au début ce n'était que de simples baisers, par après c'est devenu bien plus que ça. Et je dois dire que je trouve mon bonheur dans les plaisirs charnels. Mais les meilleurs moments de mon enfance se sont tous passés avec ma soeur je crois. Elle était d'un an ma cadette et nous nous entendions merveilleusement bien. C'était ma soeur, ma confidente mais aussi ma meilleure amie. Jusqu'à ce qu'elle décède d'un cancer du rein. Depuis ce jour une partie de moi même est morte je crois. Depuis ce jour je ne suis plus vraiment la même. Si seulement j'avais les pouvoirs de la sauver. J'aurais tué pour être à sa place ; pour que l'on échange les rôles, pour me retrouver dans le cercueil et qu'elle soit la fille contaminée par le "virus". Mes parents ont changé eux aussi, mais ils ne cessent de s'inquiéter pour moi. Je n'en ai jamais pleuré.

« Vous savez très bien ce qu'il s'est passé dans ma vie monsieur. Vous savez très bien ce qui est arrivé. Pourquoi me poser toutes ces questions alors que vous en connaissez les réponses. Oui je pense avoir été heureuse jusqu'à ce que cela n'arrive. »

Une fois de plus, il hoche calmement la tête et j’en viens à me demander s’il m’a réellement écouté. J'ai l'impression qu'il fait semblant, qu'il n'en a vraiment rien à foutre de ce que j'ai dit. Est-ce que je parle pour rien ? Dans le vide ? Ça a la don de m'énerver. Et il ne vaut mieux pas que je me mette en colère contre le directeur. Il écrit une nouvelle fois sur sa feuille et repose son regard sur moi.

« Et maintenant ? Je veux dire, à Aspera, comment vous sentez-vous ? Vous est-il arrivé de mauvaises choses, ici, ou au contraire, des choses exceptionnelles ? »

Des choses exceptionnelles, extraordinaires, des mauvaises choses, ... Une fois de plus je n'ai pas envie d'en parler. Déjà ça ne la regarde pas, de plus je ne sais pas à quoi cela lui servirait et enfin qu'est-ce qu'il en a à foutre. Ce me fait vraiment chier toutes ces questions. C'est vrai qu'il m'est arrivé des trucs étranges mais je dois dire que depuis que j'ai reçu cette lettre tout est devenu étrange alors cela ne m'étonne plus.

Spoiler:

Il y a eu d'autres moments forts bien sûr, pleins, beaucoup trop pour que je pense à tous, mais celui-ci est le plus fort je pense, enfin non plutôt le plus étrange, celui qui m'intrigue le plus. Mes autres expériences sont plutôt sexuelles ou autres.

« Je m'y sens bien, intensément bien, chez moi ; je n'avais encore jamais ressenti ça auparavant. Des expériences il m'en est arrivé de toutes sortes, des mauvaises ou des exceptionnelles, mais je ne pense pas être dans l'obligation de vous en parler. Je préfère garder cela pour moi. »

« Et sinon, vous avez un petit ami ? Ou une petite amie, je ne sais pas, moi. »

me demande-t-il avec un sourire taquin.

« Ai-je l'air de quelqu'un qui se fixe ? La réponse est non je n'ai pas de petit ami ; ni de petite amie. Je préfère de loin être libre et pouvoir changer d'amant chaque jour. Je ne suis jamais contre les nouvelles expériences et donc je dois avouer que je ne préfère ni les hommes ni les femmes. Pourquoi ne pas profiter de sa jeunesse ? Je ne vois pas l'intérêt de se fixer maintenant alors que l'on peut profiter de plusieurs personnes. J'adore le changement, la nouveauté, mais je ne suis jamais contre non plus quelqu'un qui est déjà passé... »

Son sourire s’agrandit à ma réponse, quel pervers, et il reprend plus calmement, en me fixant droit dans les yeux :

« Diriez-vous que vous êtes fou ? »

« Oui, j'en suis tout à fait certaine. »

« Pensez-vous avoir plusieurs personnalités ? »

« Je pense n'avoir qu'une et une seule personnalité. La mienne. Mais je pense pouvoir changer de personnalité pour tromper les gens, pour m'amuser, pour manipuler. Je suis une assez bonne comédienne. Pour ne pas dire très bonne. »

« Vous préférez la Magie Noire ou la Magie Blanche ? »

« La Magie Noire bien évidemment. Qu'apporte la Magie Blanche ? Il y a bien plus d'avantages avec la Magie Noire. Et je dois dire que cette magie me fascine. »

« De quoi avez-vous peur ? »

« De vous peut-être. De moi sûrement. Et puis de tout. Un rien pourrait me faire peur, parce que j'adore avoir peur. Je vous avais bien dit que j'étais folle. Complètement folle. »

« Dragibus ou Fraises Tagada ? »

« Ça vous amuse ces questions débiles ? »

« Bien, je vous remercie jeune homme/fille. Vous pouvez retourner en cours, bonne journée. »

« Merci, au revoir. »

Et voilà c'était enfin fini. J'ai lâché un soupir de soulagement peut-être trop fort mais je n'en avais vraiment plus rien à foutre. Et je suis partie, sans un regard pour le directeur.